Briser le cycle de l’intimidation | L’approche novatrice de Linda Valade

Hebdo Rive Nord 18 juin 2024 | Par Marie-Christine Gaudreau

Et s’il existait un précurseur à l’intimidation verbale et physique ? S’il était possible de reconnaître les signes et d’agir avant l’escalade de la violence ? Alors que l’intimidation est partout et qu’elle constitue un véritable fléau dans les écoles, la Charlemagnoise Linda Valade vient de publier un livre qui tend à démontrer qu’il est possible d’agir en amont pour prévenir et réduire l’intimidation dès ses premières manifestations; aujourd’hui banalisées, voire quasi invisibles.   

Spécialiste de la communication non verbale, l’auteure, conférencière et synergologue Linda Valade s’intéresse au phénomène de l’intimidation silencieuse depuis plus de 10 ans. Avec le guide J’te vois, elle démystifie un phénomène jusqu’ici méconnu et inexploré afin de sensibiliser le milieu scolaire, mais aussi tous les milieux où il y a de l’interaction sociale, aux visages de l’intimidation silencieuse et à son impact sur les relations interpersonnelles et les dynamiques de groupe.

Ce grand projet d’écriture, Linda Valade se le réservait initialement pour la retraite. Mais voilà que son expertise qui sort des sentiers battus a suscité plus tôt que prévu la curiosité d’acteurs œuvrant auprès de la jeunesse. « Quand ça m’a été demandé [d’écrire quelque chose pour aider dans les écoles] avec autant de bonté, de volonté d’aider, j’en parle et je deviens émotive, je me suis dit, je ne peux pas mourir sans partager ça, sachant qu’on a des enjeux d’intimidation majeurs. Tout le monde veut faire quelque chose, personne n’y arrive. On cherche des solutions, on fait des interventions, mais ça ne mène à rien. L’intimidation continue », avait mentionné Linda Valade lors d’une rencontre avec l’Hebdo Rive Nord, avant la sortie de son livre.

La clé d’un monde plus inclusif

Ayant observé de belles transformations à la suite de ses interventions dans le milieu corporatif, elle se savait détenir une pièce importante de la solution pour changer la donne dans les écoles. Pour créer ce virage, dans J’te vois, l’auteure définit ce qu’est l’intimidation silencieuse, sensibilise les gens à la reconnaître, la nommer et en refuser les comportements.

Mais qu’est-ce que l’intimidation silencieuse, au juste ? Linda Valade explique que l’intimidation silencieuse se cache derrière tous les comportements inadéquats motivés par une mauvaise intention. Il peut s’agir par exemple d’un soupir, des yeux roulés vers le ciel, d’un regard nonchalant ou d’un commentaire lancé sous le couvert de l’humour. Ces gestes, puisqu’ils ne constituent ni une attaque verbale ni une agression physique, sont souvent tolérés, à tort.

« Avec J’te vois, j’aborde le premier niveau d’intimidation, précise Linda Valade. Celui qui passe en dessous de la ligne d’observation habituelle. On intervient quand c’est verbal et physique, mais quand c’est non verbal, on n’intervient pas parce qu’il n’y a pas de nom qui avait été donné à ce comportement-là. »

« Je sais pertinemment, et je le dis avec beaucoup d’humilité, qu’à l’intérieur de ce guide, on peut enfin changer les choses pour l’intimidation. » Linda Valade, auteure

Jeu de pouvoir

Pourtant, cette forme d’intimidation insidieuse peut avoir un impact considérable sur les personnes qui en sont victimes, démontre-t-elle. Elles se sentiront souvent rejetées, ridiculisées, diminuées ou incompétentes. Parfois, cette estime dérobée ouvrira la porte à une escalade des gestes d’intimidation. « Lorsqu’un intimidateur veut intimider une personne, il va d’abord aller valider son regard sur elle, expose Mme Valade. Si je te regarde avec un air et que tu te refermes, je sens que je viens de prendre de l’ascension et ça me permet de poursuivre. »

Ainsi, en n’acceptant plus, par exemple, les soupirs ou les ricanements lorsqu’un élève en difficulté demande une énième fois des explications sur le même exercice en classe, l’enseignant rejette l’intimidation silencieuse. Au contraire, tolérer ces comportements ou laisser paraître son propre découragement renforce l’idée auprès de l’enfant et de tous ses camarades qu’il n’est pas bon et qu’il ne comprend rien. La porte est ouverte à l’intimidation.

Nommer l’intimidation silencieuse pour l’éradiquer

Après le mouvement #MeToo, « je souhaite que J’te vois ait cette grandeur. Que les gens, n’importe où, soient capables de dire : « Mademoiselle, je vous vois; ce que vous faites en ce moment, la façon dont vous le regardez, ça me rend inconfortable. » Pour que tout le monde ensemble, on puisse changer ce comportement qui est socialement accepté en ce moment. »

Maintenant que le guide J’te vois est disponible, Linda Valade espère qu’il trouvera son chemin vers toutes les écoles, les centres de services scolaires, les entreprises, les établissements de santé, les organisations sportives et, encore mieux, vers tous les foyers. Dès l’automne prochain, elle imagine une rentrée scolaire où la discussion est d’entrée de jeu ouverte sur l’intimidation silencieuse avec les élèves. Enfin, elle aspire à ce que les professionnels du milieu de l’éducation soient nombreux à lui tendre la main pour collaborer à l’élaboration d’ateliers qui, Linda Valade en est convaincue, feront une réelle différence pour nos enfants.